- Salamat soray

- Soraaaaaaaay !!!

- Y’a-t-il un bus de nuit pour Rantepao ?

- Oui biensûr

- Trop cool, à quelle heure part-il de Tentena ?

- Entre 14h00 et 19h00, ça dépend s’il est bloqué sur la route…

- Ah, mais on va arriver au milieu de la nuit après 14 heures de voyage, non !?

- Nooooooon, le chauffeur fait beaucoup de pose, vous arriverez vers 7h00 du matin.

 

Parfait, go moteur. Bon le bus arrive à 15h00, ça nous laisse le temps de visiter cette fameuse sépulture et le marché. Nous voilà caler, et le mot et faible, dans les sièges ultra confortables du Batutumonga bus. Et vous n’allez pas en croire vos mirettes, mais après 14 longues heures de sommeil peu profond, nous arrivons à destinations au milieu de la nuit, à 4 heures du matin, sans hôtel et absolument personne pour nous aider. Mathieu a laissé filer notre petit Nokia dans les méandres des canapés qui nous servait de siège dans le bus, impossible d’appeler qui que ce soit. On finit par pousser la porte du Pison hôtel dont le lobby est accessible, on profite de chipper le wi-fi pour appeler par Skype, notre portable, sans réponse, deux hôtels, dont le notre, sans réponse. On finit par appeler la Mum, ce qui a le mérite de réveiller quelqu’un qui nous ouvre gentiment une chambre. On file aussitôt à la recherche de notre téléphone qu’on retrouve facilement à la station de lavage des cars. Il est 6h00, on est frigorifié, on s’effondre dans notre lit.

En voilà une nouvelle belle introduction, on espère ne pas vous avoir déjà perdu en route ! Car cet article va être encore long, mais aussi passionnant dans le royaume des morts. En effet, à Tana Toraja, on a une autre approche et une autre culture face à la perte d’un être cher. Ici, on ne considère pas que la personne est décédée, mais simplement malade. On garde donc le défunt chez soi, au frais, en lui administrant du formol pour le conserver. Ils prennent grand soin de leurs malades en les nourrissants, en leur changeant les habits ou en taillant une petite bavette avec eux. Ce rituel, plus ou moins long, permet à la famille d’économiser le plus d’argent possible. Ça peut aller de quelques mois à quelques années suivant le rang social et les moyens de la famille. Mais pourquoi économiser tant d’argent ? Et ben tout simplement pour la masta cérémonie qui permettra au malade, de passer à l’au-delà. Et ça coute chère une cérémonie ? Je veux mon neveu ! Pour permettre au nouveau mort de rejoindre le paradis, il lui faut des centaines de cochons qui lui montrent le chemin mais aussi des dizaines de buffles pour défoncer ou ouvrir, c’est selon, les portes de l’Eden. Et tout ça, ça coute bonbon. Pour que tout ce petit monde emprunte le même itinéraire, il faut les sacrifier. C’est donc un joyeux carnage qui se déroule sur quelques jours entre annonces au micro, danses, tambours, portage de cercueils. On pourrait se croire à la foire St-Martin : Et maintenant on déguille le cochon de la famille Bolomey de Vaumarcuz qui sera servi à la table B12 ! Les bêtes après avoir étés mises en pièces sont distribuées aux convives qui eux-mêmes les distribuent aux villageois des environs. Les autres morceaux sont cuisinés sur places, à l’étouffée dans un bamboo, au feu de bois, les Pa’piongs, et c’est excellent ! Certains touristes, ici en voyeuristes, s’attardent sur les sacrifices, nous nous préférons découvrir la famille. On célèbre la montée au ciel d’une grand maman âgée de 80 ans. Elle est décédée il y’a 7 mois. Nous avons la chance d’échanger quelque mots avec le fils et la fille. Stéphanie se proposera même pour aider cette dernière à servir le thé et le café aux invités. On finira en « cuisine » pour un joli moment de partage et de rire avec les petites mains. Pour finir, les dépouilles ne sont pas enterrées, mais installées dans une falaise, un rocher, qui a été préalablement taillé et fermé par une petite porte en bois. Les personnes plus aisées installent aussi des Tau-Tau ; des statues de bois plus vrai que nature, qui représente la personne qui repose à cet emplacement. Les bébés, eux, avaient un traitement différent. Ils étaient installés dans un tronc d’arbre afin qu’ils continuent à grandir au sein de celui-ci. Pour les Torajas, il n’y a rien de plus pure qu’un arbre.